Publié le 16 Septembre 2017
" Dans ses Canti paralleli, vaste cycle pour mezzo-soprano et orchestre de chambre sur des textes de poètes arméniens, Tigran Mansurian nous propose une ample méditation lyrique sur le paradis perdu. Douleur de l’amour enfui et regret du pays natal s’entremêlent ici comme deux souffrances parallèles, confondus en une seule et grande plainte. Huit mélodies pour une quarantaine de minutes d’une musique élégiaque et crépusculaire, aux lignes vocales pures, exemplaire du renouveau lyrique venu de l’Est. Si l’on devait trouver un mot pour décrire le climat des Canti paralleli, ce serait néanmoins à la Sehnsucht (approximativement « vague-à-l’âme ») des romantiques allemands que l’on songerait, désir et nostalgie fusionnant dans une musique à la limite des traditions orientales et occidentales. Mariam Sarkissian s’empare de l’œuvre avec justesse et lui confère une simplicité poignante.
Les poèmes semblent infuser leur atmosphère aux deux autres œuvres présentes sur le disque, dédiés à la mémoire du violoniste Oleg Kagan (1946-1990). L’Agnus Dei pour piano, clarinette, violon et violoncelle se présente clairement comme un hommage au Quatuor pour la fin du temps d’Olivier Messiaen : même formation, même primauté accordé au spirituel. Deux mouvements lents, méditatifs, encadrent un « Qui tollis peccata mundi » plus tourmenté. De même, le Postludia mêle frottements douloureux des cordes (comme dans l’introduction du premier des Canti paralleli « Song of lost love »), récitatifs véhéments du violoncelle et de la clarinette qui se répondent ou s’enchevêtrent, le tout culminant dans un paroxysme de violence avant de retomber peu à peu au silence : révolte qui semble à lui seul prendre en charge les souffrances du XXe siècle. Trois œuvres sombres et bouleversantes à découvrir d’urgence. "
Sarah Léon